Le logiciel privateur et     le Logiciel Libérateur *


"it's not the Gates, it's the bars" (juillet 2008) :
"Ce ne sont pas des barrières mais des barreaux de prison"
écrit par Richard Stallman, fondateur de la Free Software Foundation (FSF) (cliquer).

Accorder autant d'attention au départ en retraite de Bill Gates, c'est être à côté de la plaque ; ce qui importe vraiment n'est ni Gates, ni Microsoft, mais le système de restrictions sans aucune éthique que Microsoft, à l'instar de nombreuses autres sociétés, impose à ses clients.

Cette affirmation pourrait bien vous surprendre, puisque la plupart des personnes qui éprouvent de l'intérêt pour l'informatique, ont un avis tranché et positif en faveur de Microsoft. Les hommes d'affaires, et les politiques qui soutiennent Microsoft, sans d'ailleurs se poser beaucoup de questions, admirent la réussite et l'édification de cet empire informatique avec 95% d'utilisateurs dans le monde.

Nombreux sont ceux qui, hors du milieu spécialisé de l'informatique, pensent à tort que c'est Microsoft qui a réalisé des avancées, comme fabriquer des ordinateurs rapides et peu coûteux, ainsi que des interfaces graphiques pratiques.
(il a surtout et seulement su tirer parti des inventions et du travail des autres)

Les gestes philanthropiques de Bill Gates pour la santé dans les pays pauvres lui ont attiré les faveurs de certains. Le "Los Angeles Times" a cependant signalé que sa fondation dépensait seulement 5 à 10 % de son argent par an et investissait le reste dans des sociétés qui seraient responsables de dégradations environnementales et de maladies dans ces mêmes pays, indique le Times.

De nombreux informaticiens "haïssent" Bill Gates et Microsoft, à juste titre, pour de nombreuses raisons que voici :

« Solliciter des fonds »
Microsoft ne cesse de pratiquer avec obstination des comportements anti-concurrentiels et a été condamné pour cela à trois reprises. George W Bush, qui a sorti Microsoft du pétrin à la suite de la deuxième condamnation américaine, a été invité au QG de Microsoft afin de recevoir des fonds pour sa campagne de l'année 2000.

De nombreux utilisateurs refusent la « taxe Microsoft », le contrat de licence (à payer et cher) pour avoir Windows sur leur ordinateur, même si ils n'ont pas l'intention de s'en servir.

Ils peuvent obtenir le remboursement dans certains pays, mais l'effort à fournir pour obtenir satisfaction est surhumain.

Sans parler des verrous numériques : des bouts de logiciels qui ont pour but de vous empêcher d'accéder à vos fichier librement. Des restrictions supplémentaires et insupportables de la liberté des utilisateurs, semblent être surtout "le grand progrès" du système Windows-Vista.

« Des incompatibilités permanentes »
Ensuite, vous devez subir les incompatibilités et les obstacles de l'interopérabilité avec bien d'autres logiciels non Microsoft. C'est pour cela que l'UE a ordonné à Microsoft de publier ses API.

Cette année, Microsoft a infiltré les comités de normalisation par "ses supporters", afin de décrocher la norme ISO pour son « format ouvert » de documents, système lourd, non implémentable et farci de brevets. En ce moment même, l'UE enquête sur les méthodes de Microsoft à ce sujet.

Ces agissements sont bien entendu intolérables, mais ne sont nullement isolés. Ce sont des symptômes systématiques d'un mal bien plus profond dont la plupart des gens ne se rendent pas compte : le logiciel privateur.

Les logiciels Microsoft sont distribués sous des licences qui laissent leurs utilisateurs divisés et ligotés.

Ces utilisateurs sont divisés, parce qu'il leur est interdit de partager des copies avec qui que ce soit.

Ces utilisateurs sont ligotés, parce qu'ils n'ont pas accès au code source des logiciels, permettant aux programmeurs de lire, modifier et améliorer le programme.

Si vous êtes programmeur et que vous voulez modifier ces logiciels, pour vous-même ou quelqu'un d'autre, vous ne le pouvez pas.

Si vous êtes dans les affaires et que vous voulez payer un programmeur pour ajuster ces logiciels à vos besoins, vous ne le pouvez pas. Si vous en faites une copie, et que vous la partagez avec un ami, ce qui est rien de plus naturel et convivial, on vous traite de « pirate ».

« Un système malhonnête »
Microsoft voudrait nous faire croire, qu'aider son voisin est moralement équivalent à attaquer un navire.

La chose la plus importante qu'ait fait Microsoft consiste à promouvoir ce système social malhonnête.

Gates en est l'icône même, à cause de son infâme lettre ouverte aux utilisateurs d'ordinateurs, qu'il abreuvait d'insultes parce qu'ils partageaient des copies de ses programmes.

Elle disait, en substance, « si vous m'empêchez de vous garder divisés et ligotés, je n'écrirai plus de programmes et vous n'en aurez plus du tout. Rendez-vous, ou vous êtes perdus ! »

« Changez de système»
Cependant, Il n'y a pas que Gates qui a inventé le logiciel privateur, car des milliers d'autres sociétés le pratique de même. Il est foncièrement mauvais, quel qu'en soit l'auteur.

Microsoft, Apple, Adobe, et les autres, vous proposent des logiciels qui leur donnent un pouvoir sur vous. Peu importe l'entreprise, là n'est pas le problème. Ce dont nous avons besoin, c'est de changer le système.

C'est en cela que consiste le logiciel libre. Quand nous disons « libre », nous parlons de liberté : nous écrivons et publions des logiciels que les utilisateurs sont libres de partager et de modifier : c'est le Logiciel Libérateur !

Nous agissons ainsi systématiquement, au nom de la liberté ; certains d'entre nous sont payés, d'autres sont bénévoles. Nous disposons déjà de systèmes d'exploitation libres complets, au rang desquels GNU/Linux.

Notre but est d'offrir une gamme complète de logiciels libres et utiles, afin qu'aucun utilisateur ne se voit tenté de céder sa liberté contre du logiciel propriétaire.

En 1984, quand j'ai lancé le mouvement pour le Logiciel Libre, j'avais à peine entendu parler de la lettre de Gates ; mais j'avais entendu des propos similaires. Et je leur réponds ceci : « Si votre logiciel tient à nous garder divisés et ligotés, ayez l'obligeance de ne pas le clamer sur tous les toits. Nous nous débrouillons très bien sans vous. Nous trouverons bien d'autres moyens d'utiliser nos ordinateurs et de conserver notre liberté. »

En 1992, quand le système d'exploitation GNU a été complété par le noyau Linux, vous deviez être très pointu en informatique pour faire marcher le tout. Aujourd'hui, GNU/Linux est facile d'accès : dans certaines régions d'Espagne ou d'Inde, c'est le système par défaut dans les écoles. Des dizaines de millions de personnes l'utilisent par delà le monde. Vous aussi, vous pouvez l'utiliser sans difficultés aucune.

Gates est peut-être parti, mais les murs et les barreaux du logiciel privateur, qu'il a contribué à élever, sont encore là.

C'est à nous de les abattre.

Par Richard Stallman, le fondateur de la Fondation pour le Logiciel Libre (FSF), le créateur de Emacs, de la GNU, du GCC ...
* Le logiciel privateur = le logiciel propriétaire     Le logiciel libérateur = le Logiciel Libre.

(traduit de l'anglais par A.W.)

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